Retour aux actualités
Anne Van Der Stegen - Marseille dans la peau, 2011

Exposition événement "Tatouage. Histoires de la Méditerranée" à la Vieille Charité - Rendez-vous le 17 mai

Le 05 mai 2025
  • Actualités
  • Exposition événement "Tatouage. Histoires de la Méditerranée" à la Vieille Charité - Rendez-vous le 17 mai

L’exposition riche de plus de 275 œuvres et objets, issus de collections publiques et privées à l’international, présente une enquête approfondie des pratiques du tatouage en Méditerranée, depuis l’Antiquité à nos jours.


> Du 17 mai au 28 septembre 2025

Sommaire

    Une exploration des pratiques du tatouage à travers les siècles, de l’Antiquité à la culture contemporaine.

    Depuis les premières traces retrouvées en Égypte, en Syrie et dans les Cyclades puis en Grèce, le tatouage en Méditerranée a traversé les âges, au gré des usages médicaux, religieux, politiques ou esthétiques, pour devenir avec la modernité une expression artistique à part entière, alimentée par la culture pop. L’exposition retrace cette évolution, du tatouage antique aux influences actuelles, notamment dans la cité phocéenne où il est aussi devenu l’expression de l’identité marseillaise.

    De l’Italie à l’Algérie, des Balkans à L’Iran, de l’Espagne à Chypre, ce projet s’appuie sur les méthodologies de l’histoire globale de l’art, en embrassant les géographies complexes de la Méditerranée, ainsi que sur les études de genre et les recherches postcoloniales. Il offre une réflexion renouvelée sur cet espace, marqué par la porosité de ses frontières et les multiples échanges confessionnels, commerciaux, artistiques et culturels qui l’ont façonné sur le temps long.

    Peintures, sculptures, photographies, vidéos, mode et objets du quotidien jalonnent le parcours proposé aux visiteurs, mêlant les apports de l’histoire, de l’histoire de l’art, de l’archéologie, de l’ethnologie et de l’anthropologie. Le regard se porte aussi sur les déclinaisons marseillaises contemporaines du tatouage et sa place dans les imaginaires de la pop culture.

    Prolongeant une recherche initiée en 2023 dans le cadre de l’exposition "Baya. Une héroïne algérienne de l’art moderne", l’exposition accorde également une place centrale aux artistes du pourtour méditerranéen qui ont puisé dans les motifs du tatouage un répertoire formel venu nourrir les avant-gardes ainsi que les courants féministes et décoloniaux d’Algérie, du Maroc, de Tunisie, d’Égypte ou d’Iran.

    Des œuvres inédites de personnalités telles Choukri Mesli, Samta Benyahia, Farid Belkahia, Lalla Essaydi ou El Meya seront présentées au public, aux côtés notamment de deux dessins de l’artiste Ahmed Cherkaoui réalisés en 1967 et acquis par la Ville de Marseille en 2024.

    Le parcours présentera enfin une œuvre inédite de l’artiste algérien Denis Martinez, conçue spécialement à l’occasion de cette exposition sur les cimaises du Centre de la Vieille Charité. L’un des fondateurs du groupe d’avant-garde Aouchem (littéralement "Tatouages") au mitan des années 1960 vit aujourd’hui entre Blida et Marseille.

    En partenariat exceptionnel avec le musée du quai Branly - Jacques Chirac, l’exposition "Tatouage. Histoires de la Méditerranée" bénéficie d’importants prêts d’institutions nationales et internationales, tels que le musée du Louvre, le musée d’Orsay, musée du quai Branly - Jacques Chirac, Centre national des arts plastiques ou encore le Museo Nazionale Etrusco di Villa Giulia de Rome, les Musei Civici de Pavie, le Museo Archeologico Nazionale e Castello di Manfredonia, le Rijksmuseum van Oudheden de Leyde, la Glyptohtek de Munich, le Museo arqueolégico nacional de Madrid, l’Allard Pierson Museum d’Amsterdam, en dialogue avec les collections patrimoniales conservées par le réseau des Musées de Marseille.

    Les artistes contemporains de l’exposition
    Yohanne Lamoulère
    Alireza Shojaian
    Anne van der Stegen
    Denis Martinez
    Maya Benchikh el Fegoun, dite El Meya
    Samta Benyahia
    Gaëlle Matata
    Lalla Essaydi
    Nil Yalter
    Shirin Neshat
    Dalila Dalléas Bouzar

    Photo : © Anne Van Der Stegen - Marseille dans la peau, 2011

     

    Tatouage. Histoires de la Méditerranée

    Les temps forts

    > Samedi 17 mai de 19h à minuit : Inauguration qui sera au coeur de La Nuit européenne des Musées

    Une programmation festive, éclectique et gratuite

    Pour inaugurer cette exposition, la Ville de Marseille a imaginé une soirée vibrante et festive, ouverte au plus grand nombre, qui met à l’honneur des artistes méditerranéens de tout horizon. Au programme, dès 19h et jusqu’à minuit :

    • A partir de 19h : stand de tatouages éphémères au jagua proposé par Henna Daddou d’Orient.

    Stand tatouages ephemeres CVC
    © Ville de Marseille - Clément Mahoudeau

    • 20h : performance rituelle intitulée "Anebdou" de l’artiste Denis Martinez, figure incontournable de la scène artistique algérienne. Autour de son œuvre “Lalla El Ouechma”, sept personnes apposeront symboliquement les motifs de l’abeille des potières des Maatka, accompagnées par un chant traditionnel kabyle interprété par la chanteuse Nadia Ammour.

    Nadia Ammour CVC
    Nadia Ammour © Ville de Marseille - Clément Mahoudeau

    • De 21h à 23h : la musique s’invite dans la cour de la Vieille Charité grâce à Sud Culture, avec la Troupe Idebalen, ensemble de musique traditionnelle kabyle, et l’artiste AKLI D., qui mêle rythmes berbères, reggae, rock et sonorités du monde.

    • De 19h à minuit : en parallèle de la présentation de l’exposition "Tatouage. Histoires de la Méditerranée", le public pourra découvrir l’installation immersive "Mère We Sea" de Laure Prouvost dans la chapelle, ou encore les projets artistiques réalisés avec des scolaires autour des mythes antiques et des pratiques du tatouage en Océanie, présentés par le MAAOA et le musée d’Archéologie Méditerranéenne. Un photobooth et un café éphémère complèteront l’expérience.

     

    > Jeudi 19 juin de 19h à 23h : Soirée Musée - Nocturne Jeunes
    "soirées étudiantes" co-organisées par la Mission Ville universitaire et le conseil marseillais de la vie étudiante (réservée aux étudiants) 

    Nocturne étudiants
    En co-organisation avec la Mission Ville Universitaire et les étudiants du Conseil Marseillais de la Vie Étudiante
    Stands associatifs, Sortie d’Amphi, rendez-vous informations et préventions
    À partir de 19h : Restitution du projet artistique et culturel réalisé par 10 étudiant.es du CMVE autour de l’exposition avec l’artiste Pakito Bolino et Le Dernier Cri - Collectif d’auteurs internationaux basé à la Friche la Belle de Mai

    Né en 1964 à Nîmes, Pakito Bolino vit et travaille à Marseille, où il a installé son atelier de sérigraphie à la Friche Belle de Mai. Son travail déploie des des compositions saturées et chaotiques, inspirées par l’art brut, les fanzines punk, l’esthétique japonaise « Heta-Uma », dont il déconstruit les codes visuels, pour créer un langage orignal propre à l’underground et un univers graphique unique. Il s’est imposé comme une figure majeure de l’art graphique alternatif. Du mois de mars au mois de mai 2025, une dizaine d’étudiants membres du CMVE et le studio de Pakito Bolino ont réalisé des sérigraphiées inspirées du parcours de l’exposition Tatouage. Histoires de la Méditerranée. Ces réalisations des étudiants seront exposées à l’occasion de la nocturne du 19 juin 2025 au sein de la cour du Centre de la Vieille Charité. Leurs auteurs et autrices seront amenés à commenter leur production.

    De 19h à 23h : photobooth
    De 21h à 23h : concert

    Gratuit sans réservation (réservé aux étudiants)
     

     

    > Nocturnes dans le cadre de l'Eté Marseillais 

    Les jeudis 17 et 24 juillet, 7 et 14 août de 19h à 23h
    À l’occasion de l’Été marseillais, le Centre de la Vieille Charité proposera quatre nocturnes festives. Concerts, visites libres de l’exposition Tatouage. Histoires de la Méditerranée, petite restauration…
    Gratuit sans réservation, dans la limite des place disponibles

     

    > Samedi 20 et dimanche 21 septembre de 9h à 18h : Journées Européennes du Patrimoine avec la présentation du projet "Tous.tes tatoué.e.s ! Portraits de Marseillais.es tatoué.es"

    À 10h : Visite commentée

    De 14h à 17h : Point parole dans les salles

    De 10h à 17h : Séances de tatouages éphémères au jagua avec Henna Daddou d’Orient
    Ateliers menés par des artistes plasticiens (création de flash book, tampons, cartes….)
    Présentation du recueil issu du projet artistique et participatif "Portraits de Marseillais.es tatoué.e.s" avec Fotokino
    Des portraits de Marseillaises et Marseillais tatoué.e.s ont été réalisés à l’encre bleue par 4 artistes aux techniques variées (encre, feutre, crayon…) : Nine Antico, Benoït Bonnemaison-Fitte, Zoé Jollive, Simon Roussin. Ces derniers ont été accompagnés par l’autrice Annabelle Perrin qui a pu mettre en mots les témoignages recueillis lors de la réalisation des séances de portraits. Les portraits seront accrochés au fur et à mesure au sein du parcours de l’exposition.

    Gratuit. Sans réservation, dans la limite des places disponibles

    "Le tatouage : des marges à la pop culture"

    Longtemps relégué aux marges des cultures occidentales et volontiers associé aux truands, aux prisonniers, aux marins ou aux milieux interlopes, le tatouage connaît aujourd’hui un engouement sans précédent. Transcendant les générations, les milieux socio-économiques et les frontières géographiques, il séduit un nombre croissant de Françaises et de Français : plus de 36 % d’entre eux sont tatoués à ce jour, un chiffre qui a doublé au cours de la seule décennie 2010-2020. Les motivations sont multiples - esthétiques, artistiques, affectives, revendicatives.
    À la croisée de l’intime et du collectif, exposé au regard de tous ou réservé à celles et ceux devant lesquels on accepte de se dévoiler, le tatouage se situe aux confins de l’art, de la spiritualité et du politique.
    Il reflète les bouleversements du rapport au corps dans nos sociétés globalisées et témoigne bien souvent d’échanges interculturels inscrits dans la longue durée. Depuis une vingtaine d’années, le tatouage mobilise de nombreuses disciplines : histoire et archéologie, histoire de l’art, anthropologie, criminologie, histoire médicale, études visuelles ou encore littéraires. Il investit désormais aussi les musées. L’exposition Tatouage. Histoires de la Méditerranée, présentée au Centre de la Vieille Charité, constitue le premier événement consacré à cette aire géographique et culturelle, terrain d’innombrables expériences du tatouage, de l’Antiquité à nos jours. S’inscrivant dans les méthodologies de l’histoire matérielle et de l’histoire globale de l’art, l’exposition se déploie en chapitres thématiques, conçus comme autant de micro-histoires. Nourrie par les études de genre et les recherches postcoloniales, elle propose une réflexion renouvelée sur la Méditerranée : sur la fluidité de ses frontières géographiques et sur la richesse des dialogues confessionnels, commerciaux, artistiques et culturels qui la traversent dans le temps long. En adoptant un point de vue décentré à travers le prisme du tatouage, l’exposition met en lumière la circulation des formes, l’interconnexion des idées, la survivance des pratiques et le métissage des identités - autant de façons de montrer comment les cultures s’adaptent, se rencontrent et se transforment.

    L’exposition : un parcours chronologique et thématique

    Une tradition millénaire : les origines et l’archéologie du tatouage


    Ornement, prophylaxie, condamnation

    Le mot « tatouage » a été introduit dans la langue française à la fin du XVIIIe siècle, dérivé du terme polynésien « ta-atua » rapporté par James Cook. Cependant, cette pratique était déjà présente autour de la Méditerranée dès 3500 av. J.-C., comme en témoignent des vestiges archéologiques. Dans l’Antiquité, les tatouages prenaient souvent la forme d’incisions avec des substances naturelles (charbon, soufre, bitume) et étaient principalement ornementaux, proches de la scarification. La découverte d’Ötzi, un homme du Néolithique, a révélé un usage thérapeutique du tatouage, probablement pour soulager l’arthrose. Toutefois, dans certaines cultures, comme en Grèce antique et dans l’Empire romain, le tatouage avait aussi une fonction stigmatisante, marquant les individus considérés comme monstrueux, étrangers, criminels, ou esclaves.

    Identifier, croire, soigner – Espagne, France, Chypre, Syrie

    Des découvertes archéologiques dans plusieurs régions méditerranéennes (Espagne, Rhône, Chypre, Syrie, Grèce) montrent que le tatouage était pratiqué dès le deuxième millénaire avant notre ère. Bien que l’absence de sources écrites limite les interprétations, des objets anthropomorphes et figurines en marbre suggèrent que les tatouages symbolisaient probablement une appartenance culturelle, clanique ou familiale. Des signes similaires apparaissent sur des statues menhirs en Occitanie et dans le sud du Massif central, suggérant des échanges entre les cultures méditerranéennes. Des décors égyptiens et des idoles chypriotes témoignent également de cette pratique, possiblement influencée par l’Asie Mineure. Au IIe siècle, Lucien de Samosate évoque des tatouages dévotionnels en Syrie, indiquant la persistance de ces traditions anciennes.

    Orner, protéger, séduire – Égypte pharaonique

    En Égypte ancienne, le tatouage était surtout pratiqué par les femmes, notamment en Haute-Égypte et en Nubie. Des momies féminines montrent des motifs géométriques ou symboliques associés à la protection, la beauté et la religion, suggérant que ces femmes étaient peut-être des prêtresses, musiciennes ou danseuses. Le dieu Bès, lié à la musique, la sexualité et la fertilité, est parfois représenté, soulignant le lien entre tatouage, séduction et arts. Des objets et statuettes funéraires montrent aussi l’association entre tatouage, maquillage, sensualité et rituels féminins. Certaines marques corporelles symbolisaient peut être le passage à l’adolescence ou jouaient un rôle dans les rites funéraires royaux.

    Créer l’étrangeté / Désigner l’étranger - Grèce, Balkans, Italie

    En grec ancien, le terme stigma désigne le tatouage, perçu comme une marque dégradante contraire à l’idéal grec du corps parfait. 
    Le tatouage était associé à l’exclusion, notamment pour les esclaves, criminels, étrangers ou « barbares », telles que les femmes thraces souvent représentées tatouées dans les arts grecs du Ve siècle av. J.-C. Toutefois, la valeur esthétique de ces motifs a conduit à leur représentation fréquente. Des traditions de tatouage existaient au-delà de la Grèce, dans des régions comme les Balkans, l’Italie du Sud, la Roumanie et l’Ukraine dès le IIIe millénaire av. J.-C., avec des motifs géométriques ou animaliers. Certaines de ces pratiques, comme le sicanje en Croatie, perdurent encore aujourd’hui et influencent les artistes tatoueurs contemporains.

    Surveiller / Punir - Rome et l’Empire romain

    Dans Les Lois, Platon évoque l’usage du tatouage comme châtiment judiciaire dès le Ve siècle av. J.-C., utilisé pour marquer de manière permanente les criminels afin de les humilier. Cette pratique, qui impliquait l’utilisation de moules de charbon et d’encre bleue, s’est étendue au-delà de la Grèce, notamment dans l’Empire romain. Elle était appliquée aux prisonniers de guerre et aux esclaves fugitifs, souvent avec des inscriptions comme Fugitivus Hic Est. Le terme literatus désignait les personnes tatouées, reflétant la diffusion de cette coutume. Les tatouages servaient aussi à identifier les esclaves non fautifs et à prévenir leur fuite, certains motifs étant liés à leur fonction ou à leur maître.

    Le tatouage chrétien de la Renaissance à aujourd’hui

    À partir de l’Antiquité tardive, le tatouage décline en Europe, principalement sous l’influence de l’empereur Constantin, qui interdit les marques sur le visage, perçu comme le reflet de la beauté divine. Le christianisme renforce ce rejet en s’appuyant sur des passages bibliques condamnant les marques corporelles, rendant progressivement le tatouage un tabou en Méditerranée occidentale. Toutefois, un renouveau se produit dans le contexte chrétien, où le tatouage devient un signe d’appartenance religieuse, de prière ou de protection divine. Des motifs religieux, comme des croix ou des figures saintes, sont tatoués, surtout dans les communautés coptes dès la fin de l’Antiquité. Au XVIIIe siècle, la pratique se généralise sur les sites de pèlerinage, notamment à Loreto en Italie, où des tatouages religieux étaient réalisés par des artisans proches des lieux saints, reprenant souvent les images des gravures pieuses vendues aux pèlerins.

     

    Une marque d’identité et d’appartenance : le tatouage comme marqueur religieux et identitaire

    Tatouages et imagerie populaire

    Le tatouage, perçu dès le XVe siècle comme un écho au supplice du Christ à travers la douleur et le sang, devient un acte de dévotion corporelle pour de nombreux chrétiens. Il symbolise une identification aux souffrances du Christ, que sous-tend également le culte de saint François, porteur des stigmates du Christ. Au Moyen Âge et à la Renaissance, les images violentes des martyrs, comme saint Sébastien ou saint Roch, suscitent une émotion propice à renforcer la dévotion. Elles nourrissent l’imagerie religieuse. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les motifs violents cèdent la place à des images plus élaborées, en accord avec l’évolution des goûts et des pratiques religieuses. Cependant, certains tatouages de cette époque conservent des formes inspirées de l’iconographie ancienne, témoignage du caractère populaire et traditionnel de la pratique ancrée socialement, jusque dans ses motifs.

    Esclaves de Dieu

    Dès le XVe siècle, le tatouage partage des similitudes avec les gravures de dévotion privée, toutes deux fondées sur une impression encrée à partir d’une matrice gravée. Tatouage et estampes partagent souvent les mêmes motifs. Cette connexion renforce le lien entre tatouage et piété chrétienne, le tatouage devenant un moyen d’incorporer physiquement un message religieux dans le corps du croyant. La symbolique du marquage corporel, héritée de l’Antiquité, désigne souvent le fidèle comme un « esclave de Dieu ». Des oeuvres du XVIIe siècle, comme celles représentant l’abbesse Jeanne de Chantal et la religieuse Marie Jeanne des Anges, illustrent l’idée de marques mystiques sur le corps, symbolisant le retour à Dieu. Le tatouage, ou ses équivalents mystiques, s’inscrit ainsi dans un imaginaire religieux où le corps devient un support visible de la foi.

    De l’Italie au Proche-Orient

    Le tatouage chrétien, documenté en Italie, était également pratiqué au Proche-Orient dès le XVIIe siècle, particulièrement à Jérusalem, lieu central de la Passion du Christ. Les pèlerins européens rapportaient des tatouages représentant des motifs religieux tels que la crucifixion, la résurrection, ou les lieux saints. Ces tatouages, principalement sur les bras, avaient une fonction ostentatoire, servant à attester du pèlerinage et à affirmer l’identité chrétienne. Cette tradition perdure à Jérusalem grâce à la famille Razzouk, active depuis cinq siècles, et est également pratiquée par les Coptes d’Égypte. Ces tatouages, réalisés lors de fêtes religieuses, représentent principalement des croix, des portraits du Christ ou des saints, une coutume ancrée depuis l’époque byzantine et qui perdure dans la piété populaire.

    Nouvelles mondialités du VIIe siècle aux années 1950

    À partir du XVe siècle, avec l’expansion des voyages européens vers l’Amérique, l’Afrique et l’Asie, le tatouage prend un rôle clé dans la mondialisation et les échanges impérialistes. Traditionnellement interprétés comme des découvertes, ces voyages étaient en réalité motivés par la domination et l’exploitation des ressources et populations. Dans ce contexte, le tatouage devient un instrument pour légitimer l’altérité culturelle et justifier les préjugés racistes envers les peuples rencontrés. Les descriptions exotiques et violentes du tatouage, souvent associées à des pratiques comme le sacrifice ou l’anthropophagie, alimentent des stéréotypes déformés des cultures non européennes, qui persisteront jusqu’au XXe siècle dans l’imagerie coloniale. La recherche contemporaine invite à réexaminer ces perceptions et à explorer la complexité des pratiques de tatouage, de peinture corporelle et de scarification dans des cultures non occidentales, telles que celles de l’Afrique subsaharienne, souvent liées à des contextes religieux et sociaux.

    Le tatouage représenté : préjugés raciaux en Occident

    Au XVIe siècle en Europe, les représentations du tatouage sont utilisées pour renforcer l’idée de l’altérité, opposant les peuples occidentaux aux populations étrangères tatouées, perçues comme « sauvages » et « exotiques ». Ces images, telles que celles de Pierre Belon et Jacques Le Moyne de Morgues, associent les tatouages à des cultures considérées comme « barbares ». Cette perception découle des valeurs culturelles européennes, qui condamnent la modification corporelle en s’appuyant sur des idéaux gréco-romains et chrétiens, où le tatouage est souvent lié au mal, notamment dans les représentations du diable. Cette vision négative persiste jusqu’au XXe siècle, influençant l’imagerie coloniale, notamment dans les cartes postales et images publicitaires, où les tatouages sont utilisés pour ridiculiser les coutumes des peuples dits « sauvages ».

    Tatouages, scarifications, peintures corporelles en Afrique subsaharienne

    Le tatouage, la peinture corporelle et la scarification sont des pratiques anciennes et largement répandues en Afrique subsaharienne, notamment au Nigeria, en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Ghana et au Cameroun. Ces marques corporelles, présentes depuis l’Antiquité, possèdent une grande valeur esthétique, identitaire et symbolique, et accompagnent des moments importants de la vie, comme les rites d’initiation. Elles peuvent également avoir des fonctions médicales. Bien que décriées pendant la colonisation, ces traditions continuent de faire face aux défis de la modernisation. Les motifs des marques corporelles se retrouvent aussi dans la culture matérielle, notamment sur les masques et statues, objets dotés d’une agentivité spirituelle, jouant un rôle dans la protection et le bien-être des communautés.

    Afrique du Nord : le tatouage amazigh

    Le tatouage est une pratique profondément enracinée dans les traditions amazighes du Maghreb, couvrant des régions telles que l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye, ainsi que certaines parties du Mali, de la Mauritanie et du Niger. Pratiqué depuis le Néolithique, il se caractérise par des motifs géométriques inspirés de l’alphabet tifinagh, comme des cercles et des chevrons. Principalement réservé aux femmes, le tatouage marque des étapes importantes de la vie, telles que le statut social et la situation maritale, tout en ayant une dimension spirituelle, offrant une protection contre le mauvais oeil. Bien que la pratique ait diminué au XXe siècle, elle connaît aujourd’hui un renouveau, particulièrement parmi les jeunes et les diasporas, comme un moyen de réappropriation du patrimoine culturel et de fierté.

    Images, d’une rive à l’autre

    Dans le contexte colonial, les représentations de figures maghrébines tatouées se multiplient dans les arts visuels européens. Tandis que certaines approches, comme celles de l’ethnologue Thérèse Rivière, explorent le tatouage comme une pratique culturelle, d’autres, notamment la publicité coloniale en France, le réduisent à un simple motif exotique dépourvu de signification. En parallèle, des artistes maghrébins, tels que le photographe Lazhar Mansouri, adoptent un regard plus intime et nuancé. Dans les années 1950, Mansouri photographie des femmes tatouées des Aurès, représentant une tradition en déclin face à la modernisation. Ses portraits révèlent la tension entre héritage rural et influences urbaines contemporaines, mettant en lumière les enjeux identitaires de l’époque.

    Tatouage et décolonisation au tournant des années 1960

    Dans le contexte des luttes pour l’indépendance au Maghreb, le tatouage prend une dimension politique inattendue, notamment en Algérie. Des images historiques, comme celles de Marc Riboud à Alger en 1962 ou de Marc Garanger en 1960, révèlent la portée symbolique que le tatouage peut acquérir : ancrage dans une mémoire culturelle, mais aussi expression silencieuse de dignité et de résistance face à l’oppression coloniale. Ces représentations, longtemps invisibilisées, inspirent des artistes contemporains comme Dalila Dalléas Bouzar. En 2015, elle rend hommage aux femmes photographiées par Garanger à travers sa série Les Princesses, revalorisant leurs figures par des attributs royaux et protecteurs. Ainsi, le tatouage devient un outil de réappropriation, un marqueur de liberté et de puissance féminine.
     

    Les pratiques modernes et contemporaines, illustrant le renouveau du tatouage en Méditerranée

    Du tatouage au signe : modernités artistiques arabes après les années 1960

    Dès 1947, l’artiste Baya s’inspire des motifs du tatouage berbère dans ses œuvres, les transformant en signes abstraits, colorés et rythmiques. Cette démarche, profondément ancrée dans le patrimoine amazigh, influence une génération d’artistes maghrébins à partir des années 1960, qui cherchent à développer un langage artistique indépendant des conventions occidentales. Le groupe
    Aouchem, fondé en 1967 en Algérie, devient l’un des symboles de cette recherche, intégrant des formes issues du tatouage, de l’alphabet tifinagh et de l’art rupestre. Cette quête artistique décoloniale perdure aujourd’hui, notamment à travers les œuvres de Samta Benyahia et Denis Martinez.

    Tatouage et féminisme décolonial
    Femmes artistes dans le monde arabe

    À partir des années 1970, des artistes femmes du monde arabe, influencées par les courants féministes, remettent en question les représentations orientalistes des femmes dans la peinture européenne, souvent perçues comme sexualisées, racistes et coloniales. Le tatouage, souvent réduit à un ornement érotique, est réapproprié par des artistes comme Nil Yalter, qui dans ses œuvres telles que La Femme sans tête ou La Danse du ventre (1974), inscrit des textes affirmant le droit au plaisir et à l’autonomie du corps féminin. Cette démarche est poursuivie par Shirin Neshat, qui dénonce la répression des femmes en Iran, ainsi que par des artistes contemporaines comme Lalla Essaydi, El Meya ou Samta Benyahia.

    Mauvais garçons / Mauvaises filles

    Dès les années 1880, le tatouage attire l’attention des milieux médicaux, judiciaires et psychiatriques européens, en tant que pratique marginale associée aux marins, soldats et criminels. Utilisé comme signe d’appartenance ou d’allégeance, il devient un marqueur identitaire dans les milieux interlopes, notamment dans le Marseille mafieux du début du XXe siècle. Au fil du temps, l’image du « mauvais garçon tatoué » s’impose dans la culture populaire, jusqu’à être investie d’une charge érotique par Jean Genet, puis revisitée par Jean Paul Gaultier, qui en fait un outil de subversion des normes de genre. Aujourd’hui, bien que popularisé, le tatouage conserve une fonction identitaire et politique, en particulier dans les sphères queer et féministes, où il symbolise l’appropriation du corps, la liberté individuelle et la diversité des identités.

    Prisonniers

    Dans L’Homme criminel (1876), Cesare Lombroso associe tatouage et criminalité innée, s’appuyant sur l’étude de milliers de détenus pour démontrer ses théories. Ses recherches, comme celles d’Alexandre Lacassagne en France, donnent lieu à une abondante documentation visuelle (photographies, relevés, objets) utilisée à des fins scientifiques et pédagogiques. Ces archives révèlent la fonction identitaire et symbolique des tatouages en milieu carcéral, où ils servent à exprimer l’appartenance, la rébellion ou des sentiments personnels. Cette iconographie, souvent partagée à l’échelle internationale, se retrouve aussi sur des objets du quotidien des détenus. Réalisés clandestinement, les tatouages de prison continuent aujourd’hui à poser des enjeux sanitaires, bien que leur pratique demeure vivace.

    Nouvelles féminités

    Au XIXe siècle, les femmes tatouées deviennent des objets de fascination dans les spectacles de cirque et de music-hall, tandis que la médecine légale s’intéresse particulièrement aux tatouages des prostituées. Ces regards traduisent à la fois une marginalisation et un contrôle social, surtout à l’égard des femmes, tout en révélant des figures de résistance et d’indépendance. Des artistes comme Clovis Trouille et Gaëlle Matata détournent ces représentations en attribuant aux femmes tatouées une aura subversive, mêlant provocation, mystère et rébellion face aux normes patriarcales.

    Masculin pluriel

    Longtemps associé à une virilité exacerbée, le tatouage a véhiculé des symboles de puissance masculine à travers le monde, notamment via des motifs comme le crâne, l’aigle ou la pin-up. Cette imagerie s’est progressivement étendue au corps du sportif, devenu vitrine de masculinité. Le Varzesh-e Pahlavani, art martial traditionnel en Iran, illustre cette tension entre force physique et valeurs éthiques issues du Shanameh. Les tatouages qui y sont liés mêlent références culturelles persanes et occidentales, comme l’a documenté Marc Riboud dans les années 1950. L’artiste iranien exilé Alireza Shojaian interroge aujourd’hui cette virilité normative. À travers ses œuvres, il propose des représentations alternativesde la masculinité, sensibles, queer et engagées. Son modèle Sharok incarne cette réappropriation : tatoué, sculpté, volontairement scarifié, il devient figure politique et contre-culturelle, militant pour les droits LGBTQIA+ et la liberté en Iran.

    Marseille et le tatouage, l’histoire d’une identité affirmée

    En 1978, Monick et Allan ouvrent le premier salon de tatouage marseillais, rapidement devenu un lieu emblématique fréquenté par marins, bikers et militaires. Monick, pionnière de cette scène, perpétue l’activité jusqu’en 2016 avec « Monick Art Tattoo », posant les bases d’une culture du tatouage fortement ancrée à Marseille. Ville multiculturelle, Marseille développe une esthétique tatouée singulière, entre traditions réinventées et fierté locale : noms de quartiers, emblèmes, et références au club de football ornent les corps. Cette vitalité artistique est mise à l’honneur à travers les portraits de Marseillais tatoués. Ce phénomène, documenté dans l’exposition par Anne Van der Stegen et Yohanne Lamoulère, traduit le rapport singulier des habitants de Marseille au corps, intrinsèquement lié à la vie au bord de la mer, sous un soleil quotidien. Le créateur Yacine Aouadi prolonge cette culture à l’international avec une robe sur-mesure brodée de tatouages en trompe-l’oeil pour Cate Blanchett. Ces broderies, mêlant luxe, identité et intimité, traduisent la richesse symbolique du tatouage comme expression personnelle et collective.

    Tous.tes tatoué.e.s !

    Le tatouage connaît une expansion notable en Méditerranée, avec près de la moitié des Italiens tatoués et des taux élevés en Espagne, en Grèce et dans les pays du Maghreb, où certaines pratiques traditionnelles renaissent. Cette dynamique, entre expression personnelle et engagement politique, souligne la dimension profondément relationnelle du tatouage. Pour en témoigner, les Musées de Marseille ont lancé le projet participatif Portrait de Marseillai.es tatoué.es, en collaboration avec Fotokino. Quatre artistes, accompagnés de l’autrice Annabelle Perrin, ont recueilli récits et portraits de Marseillais tatoués, révélant les multiples facettes de cette pratique. Certains témoignages sont présentés dans l’exposition Tatouage. Histoires de la Méditerranée au Centre de la Vieille Charité, et un ouvrage réunit l’ensemble des portraits à son issue, perpétuant ainsi la mémoire vivante du tatouage en Méditerranée.

    Le tatouage à Marseille - Témoignages

    Gaëlle Matata, artiste marseillaise

    Comment est née votre collaboration avec les Musées de Marseille pour cette exposition ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous engager dans ce projet, autour du tatouage et de la Méditerranée ?
    Ma collaboration avec les Musées de Marseille est née naturellement à partir d’une série de photographies que j’ai réalisée avec Lisa Granado, stripteaseuse, artiste et Miss Cagole 2024, pour la revue La Déferlante. Cette séance s’est déroulée sur la Plaine à Marseille, et a été pensée dans une perspective féministe (c’est-à-dire pas uniquement le regard surplombant d’une photographe sur un modèle). J’ai trouvé son style — et en particulier ses tatouages, sa manière de les arborer fièrement dans l’espace public — profondément politique. Une femme, ouvertement lesbienne, émancipée, reine des Cagoles pour un an… je trouve que ça mérite une série et qu’elle a toute sa place dans un musée. « Pay me », écrit entre sa poitrine et son cou, pied de nez au système patriarcal et misogyne, m’a paru être son tatouage le plus risqué. J’ai donc appelé la série Pay me, même si ses autres tatouages, mignons et doux, ne sont pas si secondaires et montrent bien à quel point un être humain est complexe et multiple.


    Comment percevez-vous le tatouage aujourd’hui en tant que forme d’expression artistique ? Notamment dans le cadre muséal : s’agit-il d’une reconnaissance nouvelle pour un art longtemps marginalisé ?
    Je ne suis pas une experte du sujet et je n’ai qu’un seul (petit) tatouage. De mon point de vue de néophyte, le tatouage est un art qui existe depuis bien longtemps. C’est la réappropriation de leurs histoires et de leurs corps par les femmes, mais aussi par les opprimé·es et les minorités. C’est aussi une tradition ancestrale dans de nombreux pays en dehors de l’Europe. Comme un cri de liberté,
    une manière d’exprimer et de revendiquer, de faire fi des normes passées, de souligner une différence assumée (sur des cicatrices, des endroits du corps qui complexent, etc.). Cette pratique ne me paraît plus marginalisée, mais je vis à la marge de l’hétérosexualité, alors je ne sais pas ! 

    Selon vous, que révèle le tatouage sur notre société contemporaine, et sur les identités individuelles ou collectives en Méditerranée ? Comment avez-vous choisi de valoriser cette pratique à Marseille, à travers votre travail artistique ?
    À mes yeux, le tatouage dit beaucoup de notre société contemporaine. Lisa Granado, Miss Cagole 2024, incarne une figure marseillaise forte, ancrée dans une tradition populaire, féminine et subversive. Mon travail a donc consisté à capter cette énergie. Pour en savoir plus sur ce qu’incarne cette figure, je recommande vivement l’article publié dans La Déferlante : « Les cagoles montrent tout : les émotions, les seins, les fesses ».

    Son parcours : Gaëlle Matata est une photographe basée à Marseille, dont le travail explore les luttes minoritaires et les identités LGBTQIA+. Lauréate de la Grande Commande Photographique de la BnF en 2022, elle mêle engagement artistique et social à travers expositions, projets d’archives et ateliers. En 2025, elle présente sa première exposition solo et participe au OFF des Rencontres d’Arles. 


    Témoignage de Christophe Ramackers et Claire Vanoli, artistes tatoueurs chez KARBONE Studio à Marseille

    Comment percevez-vous l’influence des cultures méditerranéennes dans votre travail de tatoueur aujourd’hui ?
    Pour être honnête, nous ne cherchons pas volontairement à intégrer des éléments issus des cultures méditerranéennes dans notre travail. Mais en exerçant à Marseille, cette influence est là, de manière plus diffuse. Nous remarquons que certains symboles voyagent, se transforment. Par exemple, des motifs protecteurs comme l’œil, les formes géométriques ou végétales inspirées des arts méditerranéens. Elle se manifeste aussi dans les récits que les clients locaux nous apportent, en lien avec leurs racines familiales locale ou immigrées. Mais une partie non négligeable de notre clientèle n’est pas locale, mais issue du tourisme. Ils cherchent souvent ici, à encrer un souvenir, une trace d’un moment vécu dans un lieu où la Méditerranée se ressent dans l’architecture, le mélange culturel et l’énergie du quotidien. Donc plus qu’une influence stylistique, je dirais que c’est une ambiance, une liberté propre à la Méditerranée qui traverse notre pratique.

    Que représente, selon vous, le tatouage à Marseille aujourd’hui, aussi bien pour les habitants.es que pour les professionnels ?
    Marseille a toujours été une ville de marges et de mélanges, donc forcément, le tatouage y a une résonance particulière. Pour beaucoup d’habitants, le tatouage est un moyen d’affirmer son identité, son histoire, parfois sa fierté d’être d’ici. C’est un outil de narration, dans une ville où la parole passe aussi beaucoup par le corps. Pour les professionnels, Marseille offre une scène riche, très libre. Il y a une vraie diversité de styles, de studios et artiste indépendants. Ce n’est pas une ville formatée. Et c’est ça qui rend notre métier aussi vivant ici. Il y a encore des clichés sur le tatouage, bien sûr — mais dans une ville comme Marseille, ils sont constamment remis en question par la rue, par la jeunesse, par le métissage des cultures.

    Comment pensez-vous qu’une exposition comme celle-ci peut changer la perception du tatouage auprès du grand public ?
    Une exposition comme celle-ci permet de replacer le tatouage dans une histoire longue, partagée, respectée. Ça le sort de la marginalité à laquelle on l’a longtemps cantonné. Elle montre que le tatouage a toujours été un acte social, sacré, artistique. Nous pensons que ça peut faire bouger certains préjugés : non, le tatouage n’est pas une mode passagère. Non, il n’est pas incompatible avec la tradition ou la spiritualité. Au contraire, il en est souvent une expression intime. Et puis, ça permet aussi de mieux comprendre ce que nous, tatoueurs et tatoueuses, faisons au quotidien : on ne dessine pas juste sur la peau, on perpétue des gestes anciens, on accompagne des récits personnels qui s’inscrivent dans des cultures bien vivantes.

    Fondé en 2018 par Louve et Kalawa, Karbone Studio bouscule les codes traditionnels du tatouage et du piercing soutenu par une équipe de 10 tatoueurs.ses et 2 pierceurs.ses. L’expérience humaine, la bienveillance et l’ouverture à tous est au coeur de leur démarche qui défend également une approche éthique vegan du tatouage.


    Témoignage de Guillaume Miard (Os Dur), artiste et tatoueur à Marseille

    Que représente, selon vous, le tatouage à Marseille aujourd’hui, aussi bien pour les habitants.es que pour les professionnels ?
    Nous avons la chance d’avoir un vivier artistique très fort à Marseille et, dans le milieu du tatouage, cela se ressent fortement de par les styles proposés et la qualité de réalisation d’un bon nombre de tatoueurs locaux, ayant des renommées jusqu’à l’international. C’est une chance pour les clients (même s’ils ne s’en rendent pas toujours compte) d’avoir une scène locale aussi qualitative et, forcément, j’ose croire que cette qualité tire vers le haut toute la communauté des tatoueurs locaux.

    Comment pensez-vous qu’une exposition comme celle-ci peut changer la perception du tatouage auprès du grand public?
    Je pense que cela permettrait de dévulgariser l’approche du tatouage. Et que ceux qui pensent encore que ce n’est destiné qu’à des personnes « peu fréquentables » puissent prendre conscience qu’aussi loin que l’homme a su dessiner, il s’est probablement tatoué. C’est typiquement le genre d’exposition qui permettra de redonner un peu de sacralité dans l’acte du tatouage et du rapport au corps, comme ont pu l’exprimer des peuplades du passé en pratiquant le tatouage sacré et protecteur ou, plus simplement, comme une parure qui permet de se démarquer et d’accéder au sentiment d’être une personne unique dans une société plurielle.

    Os Dur, de son vrai nom Guillaume Miard, est un artiste pluridisciplinaire dont le parcours démarre dans une école supérieure d’arts graphiques. Après une décennie en tant que graphiste et directeur artistique, il co-fonde un lieu hybride mêlant agence de communication, espace d’exposition, café-wifi et boutique de créateurs, qu’il anime pendant trois ans sur 135 m². Parallèlement, il développe une pratique artistique personnelle en tant que plasticien pendant cinq ans, avant de se tourner vers le tatouage à partir de 2019, qu’il explore depuis comme un nouveau médium d’expression.
     

    Photos

     

    Tatouage 1
    © Bol représentant une joueuse de luth_vers 1400-1300 av. J.-C._Dutch National Museum of Antiquities

     

    Tatouage 2
    © Lazhar Mansouri, Courtesy of Westwood Gallery NYC_vers 1960

     

    Tatouage 3
    © Lalla Essaydi (Marrakech, 1956)_Harem Revisited  #32_2012

     

    Tatouage 4
    Crédits visuel : Dalila Dalléas Bouzar, Les Princesses, 2015-2016, huile sur toile © Photo : Grégory Copitet. Courtesy de l’artiste et Galerie Cécile Fakhoury (Abidjan, Dakar, Paris)

     

    Tatouage 5
    © Anne van der STEGEN - Marseille dans la peau_2011_Michael

    Photos du montage de l'exposition

    MontageTatouage_VdM_397740
    © Ville de Marseille - Ange Lorente

     

    MontageTatouage_VdM_397772
    © Ville de Marseille - Ange Lorente

     

    MontageTatouage_VdM_397718
    © Ville de Marseille - Ange Lorente

     

    MontageTatouage_VdM_397746
    © Ville de Marseille - Ange Lorente

     

    MontageTatouage_VdM_397754
    © Ville de Marseille - Ange Lorente