Amore mio
Richard Baquié 1952, Marseille (France) – 1996, Marseille
Matériaux divers, véhicule Plymouth, autoradio, amplificateur, béton, ventilateur, magnétophone à cassette, moteur de réfrigérateur, résistance électrique. Dimensions variables. Achat à la galerie Roger Pailhas, Marseille, en 1992
Formé à l’école des Beaux-arts de Marseille, Richard Baquié déploie une œuvre complexe et secrète, sous un apparent bricolage d’objets récupérés. Ses œuvres recèlent en elles la poésie de sa ville natale, sa violence et sa chaleur (1). Sculpteur, il découpe et assemble carcasses de voitures, cockpit d’avion, lettres de métal. Des machines impulsent du mouvement, du son. Il ne raconte pas d’histoire, il met à jour des éléments cachés. Des phrases, mi-ironiques mi-tragiques, installées comme des panneaux hollywoodiens d’occasion, dévoilent la sensibilité de cet artiste, tout comme les titres de ses œuvres : Autrefois il prenait souvent le train pour travestir son inquiétude en lassitude (1984), L'Aventure (1987), Nulle part est un endroit (1989)...
Amore mio est exemplaire du mode opératoire de Baquié. Une Plymouth Valiant, voiture américaine associée à la traversée des grands espaces telle qu’on en voit dans les road-movies, est découpée en quatre parties. Chaque élément est disposé aux quatre points cardinaux, les deux portières, le capot et le coffre. Au centre, le souffle d’un ventilateur brasse l’air.
Bien que suggérant la vitesse, cette œuvre, dont les éléments s’animent, suspend le temps du déplacement. La chanson Come Prima (2) est noyée dans le bruit du ventilateur, tandis que la radio diffuse les informations, comme dans une cour aux fenêtres ouvertes. À l’est, la portière est pourvue d’une roue qui tourne comme celle qui sert à projeter les images cinématographiques. À l’ouest, une flèche givrée par le compresseur d’un frigo pointe vers l’arrière. Sur le capot, un réservoir alimente en eau les lettres Amore Mio creusées dans un bloc de béton. Œuvre sensible, dramatique, clin d’œil aux cultures populaires, Amore mio pourrait être une réponse à l’angoisse existentielle de l’aphorisme Le temps de rien (3).
(1) « Il est des villes qui atteignent l’universalité sans le vouloir, elles planent dans l’inconsistance par l’oubli, une absence sur la carte.Comme englouties par leurs propres flots. Marseille serait donc intemporelle et y vivre, ne pas exister. »
R. Baquié,extrait de la revue Public n° 3, 1985.
(2) Come Prima (« Comme avant »), Paroles Mario Panzeri ; Musique Vincenzo di Paola, Sandro Tacani, Dalida, interprète.
(3) Titre d’une œuvre en lettre métalliques de Richard Baquié (1987).
© B.Chipault-R.Soligny - ©Adagp, Paris