Anthropométrie sans titre (ANT, 123)
Yves KLEIN 1928, Nice - 1962, Paris (France)
Pigment IKB et résine synthétique sur papier contrecollé sur toile, 156 x 110 cm.
Achat en 1982.
Yves Klein naît de parents tous deux artistes-peintres. S’il peint spontanément depuis son adolescence, c’est en subordonnant la peinture à d’autres activités, tout d’abord au judo auquel il s’initie en 1947, pour devenir en 1952, ceinture noire quatrième dan. Parallèlement, Yves Klein découvre en 1947 la mystique des Rose-Croix. Les monochromes qu’il peint deviennent, pour lui, des objets de culte : « bleu, or et rose aussi. Ce sont les trois couleurs de base dans la peinture monochrome, et pour moi, c’est un principe d’explication universel, d’explication du monde. »
En 1960, il dépose le brevet d’un pigment coloré qu’il appelle l’IKB (International Klein Blue). La même année, il participe à la fondation du Nouveau Réalisme avec, entre autres, Jean Tinguely, Raymond Hains, Arman et le critique d’art Pierre Restany avec lequel il collaborera toute sa vie.
Anthropométrie (du grec anthropos : homme, et métrie : mesure) est le terme utilisé à partir de 1960 par Restany pour nommer ce que Klein désignait comme « technique des pinceaux vivants ». Les Anthropométries sont le résultat de séances avec des modèles dont les corps, enduits de peinture, viennent s’appliquer sur le support, toile ou papier. Avec cette technique, Klein propose un retour à la figure, mais dans un espace pictural où l’illusion de la troisième dimension disparaît au profit d’une peinture où se confondent sujet, objet et médium. Certaines sont exécutées en public : Klein est en smoking, les jeunes femmes sont nues, des musiciens interprètent la « Symphonie monoton », créée par Klein en 1949.
L’Anthropométrie sans titre (ANT.123) présente quatre traces de torse, à des degrés divers d’imprégnation, suspendues dans un espace constellé de pointillés bleus transparents. Les empreintes, semblant flotter dans ces taches liquides, ne révèlent des corps qu’une forme tronquée, sans bras ni tête, dont les jambes s’arrêtent aux genoux. La présence, le geste, saisis dans cette succession d’instantanés picturaux, font apparaître des silhouettes fantômes, évoquant les sirènes ou encore des images de ces corps que l'explosion de la bombe d'Hiroshima a photographié sur les murs avant de les désintégrer…
« Le tableau n’est que le témoin, la plaque sensible qui a vu ce qui s’est passé. La couleur à l’état chimique, que tous les peintres emploient, est le meilleur médium capable d’être impressionné par l’événement* ».
*Yves Klein, extrait du Manifeste de l’hôtel Chelsea, 1961
© B.Chipault-R.Soligny - © Yves Klein - ©Adagp, Paris