Autoportrait
1976

Musée Cantini

Francis Bacon (1909-1992), 1976, huile et pastel sur toile, 34 x 29,5 cm

« Je n’aime pas particulièrement mon visage, mais c’est le seul que j’ai tout le temps à ma disposition »

Autodidacte, Francis Bacon apprit auprès des autres peintres les rudiments du métier forgeant bientôt ses propres recettes non conventionnelles, mêlant au pigment de la poussière, du sable, de la peinture pour automobile, des caractères Letraset et du pastel. Il joue avec la virtuosité des mélanges les plus improbables.

Son œuvre est aussi le résultat d’une consommation boulimique d’images provenant des domaines les plus divers (planches anatomiques, photographies d’Eadweard Muybridge, ouvrages sur les spectres et les ectoplasmes, traités de radiographies, documentation sur la viande et les abattoirs, photomatons).
Il exécuta de nombreux autoportraits pendant les trente dernières années de sa vie, utilisant notamment les clichés réalisés par ses amis photographes.

Pour lui, c’est le mouvement qui « pense » et « montre du corps » aidé par la peinture à l’huile, assez fluide pour suivre ou chercher ses propres passages, bien que limité par le savoir gestuel de l’artiste.

L’image est fixe, encadrée et pourtant elle se défait. Sensible aux métaphores du monde, elle perd sa configuration véritable, comme sur les clichés radiographiques étudiés par Bacon, où les déformations provoquées volontairement mettent en évidence des éléments habituellement peu visibles. L’anamorphose comme le précise Jean-Louis Schefer est le lieu et l’objet même de la peinture de Francis Bacon qui définit sa propre modernité, entre figuration et abstraction, le corps et l’espace, la figure et le mouvement.

La force de cet autoportrait, entre gueule cassée et miroir psychologique réside dans la puissance du trait et l’application corrosive des couleurs, suggérant une réflexion plus vaste sur la fragilité de l’être .

Le saviez-vous ?

Francis Bacon occupa pendant trente ans un atelier situé dans le quartier de South Kensington à Londres. Cet atelier point d’ancrage de sa peinture , véritable fouillis, contenait des livres, des centaines de photographies d’opérations chirurgicales, de nus masculins et de viande crue, des photographies de presse, reproductions de tableaux, le livre de Muybridge sur la décomposition du mouvement humain, un autre sur les maladies de la bouche... les documents qui l’intéressaient étaient aussitôt découpés, collés sur des cartons ou des couvertures de livres, pour être livrés au chaos environnant avant d’être assimilés, « broyés » et « transformés » dans sa peinture.

Ainsi que le raconte Hugh Davies «  l’atelier qui est parallèle à la chambre à coucher ( …) est un petit espace sans fenêtre, encombré par une accumulation de tubes de peinture jetés, de pinceaux, de magazines et de chiffons. Les seules sources de lumière sont un rayon provenant d’une verrière carrée et deux ampoules nues pendant du plafond. Une multitude d’ustensiles, des éponges Brillo aux pulls en cachemire, qui ont été employés pour appliquer de la peinture, repose parmi les débris. (…) La seule fenêtre de la pièce est en fait masquée par un amas de toiles stocké derrière le chevalet (…) on observe sur certains murs et sur la porte qui lui servent de palette, ce qu’il appelle ironiquement ses « rares images abstraites »(1)

La Tate Gallery ayant refusé d’abriter l’atelier du peintre, celui-ci a été démantelé avec l’aide d’archéologues et remonté à la Hugh Lane Gallery à Dublin où l’on peut le voir aujourd’hui.

(1) extrait du reportage sur Francis Bacon réalisé en 1985 par David Hinton pour le South Bank show, London Week-End Television

Don anonyme en 1976, musée Cantini, Marseille, inv. C.76.2.3

Droits d'auteur : © The Estate of Francis Bacon - Adagp, Paris

© Ville de Marseille, Dist. RMN-Grand Palais / Claude Almodovar / Michel Vialle