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Pierre Puget, des rues du Panier à la reconnaissance publique

Le 07 novembre 2022
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Pierre Puget ! Un nom familier à l’oreille de tous les Marseillais, qu’il s’agisse d’évoquer ou d’arpenter la fameuse artère et le jardin qui portent son nom. Peintre, sculpteur, dessinateur, architecte… Il a laissé dans notre ville et notre mémoire collective, une empreinte indélébile. Mais saviez-vous qu’il est né dans le quartier du Panier ? Qu’il a été surnommé « Le Michel-Ange de la France » ? Que la maison où il vécut rue de Rome, existe toujours ?

 

Sommaire

    Nous revenons aujourd’hui sur le parcours et le fabuleux héritage de cet artiste… 

    Une enfance marseillaise

    Pierre Puget voit le jour à Marseille en 1620 dans une maison au 20 de la rue du Puits, actuelle rue du Petit-Puits, construite par son père, artisan-maçon, fils d’un riche propriétaire terrien. Membre d’une fratrie de neuf enfants au sein d’une famille plutôt aisée, il est orphelin à l’âge de deux ans, lorsque son père décède en chutant d’un échafaudage.

    À quatorze ans, sa mère le place en apprentissage chez maître Roman, spécialisé dans la confection du mobilier d’église. Il travaille notamment à la décoration de l'église Saint-Martin, érigée au XIe siècle dans le 1er arrondissement. (Elle sera rasée en 1887 dans le cadre de la réalisation de la rue Colbert).
     

    Les années italiennes et le retour en France

    En 1638, âgé de dix-huit ans, il part pour l’Italie. Il voyage à travers le pays et parvient à Rome où il accompagne le peintre italien Pierre de Cortone qui œuvre à la décoration du palais Barberini. Introduit dans l’atelier d’un sculpteur sur bois, il y développe sa technique.
    Très imprégné par la culture italienne, il rentre en France après cinq ans pour veiller sur sa mère, gravement malade. 

    En 1645, probablement après le décès de sa mère, Pierre rejoint à Toulon son frère Gaspard qui, de tailleur de pierre, deviendra sculpteur puis architecte. L'amiral Jean Armand de Maillé lui demande de travailler pour l'atelier du maître-sculpteur sur bois Nicolas Levray, chef de l'atelier de décoration à l’arsenal de Toulon : il décore le navire Le Magnifique qui, après la mort de l'amiral, sera rebaptisé La Reine. 

     

    Une création continue, malgré les remous de l’Histoire

    Lorsque la Fronde (*) éclate, Puget se consacre alors essentiellement à la peinture. Il exécute à la demande des tableaux et des retables pour des confréries religieuses, des églises paroissiales et des couvents. En 1652, pour le baptistère de la cathédrale de Marseille, il réalise Le baptême de Constantin et Le baptême de Clovis, que nous pouvons toujours admirer aujourd’hui dans la cathédrale de la Major !

    À Toulon, il fait ses premiers pas dans l’architecture en 1656, à l’âge de 36 ans : les consuls locaux lui commandent un balcon pour l’hôtel de ville, qui sera très apprécié. Les deux atlantes de style baroque qui servent de soutien à sa partie supérieure sont un motif librement inspiré des plafonds de Pierre de Cortone au palais Pitti...

    Sa réputation de sculpteur s’étend jusqu'à la Cour. Le marquis de Girardin le charge d’orner de statues le parc de son château de Vaudreuil. Nicolas Fouquet (**) le sollicite ensuite pour les sculptures du château de Vaux-le-Vicomte et l'envoie à Gênes choisir les plus beaux marbres de Carrare en vue de leur confection.

     

    Séjours italiens, amour du marbre et royales déconvenues

    Pierre Puget travaille pour les patriciens de Gênes durant plusieurs années. Après un court voyage à Rome en 1662 puis un bref séjour en Provence en mai 1663 d'où il revient avec sa femme, son fils et son élève Christophe Veyrier, il s’investit dans le travail du marbre plus fin que la pierre qu'il avait utilisée pour créer les atlantes de Toulon (en pierre de Calissanne).
    C’est le choc. Il écrira à Louvois en 1683 « La pièce de marbre est sans défaut et blanche comme neige ». Il veut dominer ce matériau puisqu'il écrit dans la même lettre la fameuse phrase : « le marbre tremble devant moi, si grande que soit la pièce ». Il continue de peindre : le tableau de la Sainte famille date de 1663 environ. 

    De retour en France, appelé pour travailler sur les décors du château de Vaux-le-Vicomte, il fréquente pour la première fois un cercle d’architectes proches du roi. Cette opportunité se referme rapidement, lorsque la disgrâce de l’intendant Fouquet, propriétaire du somptueux bâtiment, l’entraîne indirectement dans sa chute. Le ministre Colbert s’impose dans les affaires immobilières du roi et exclut l’artiste des projets suivants, notamment de la commande de Versailles…
    À l’exception de la fourniture de quelques marbres, Pierre Puget sera absent de ce chantier pharaonique et ne parviendra jamais à s’imposer comme architecte de la Cour ou de l’Académie d’architecture…

    En 1666, une rénovation de Marseille est souhaitée par le roi, qui veut voir la ville et son port s’étendre à la mesure de leur potentiel commercial, Pierre Puget présente immédiatement des plans .Les échevins marseillais sont enthousiasmés mais l’élection d’un nouveau conseil bouleverse tout : les croquis annoncent un chantier complexe, un budget très élevé. 
    Les dirigeants s’en inquiètent et les longues années nécessaires à sa réalisation pourraient contrarier Louis XIV, connu pour son impatience. Pierre Puget est donc écarté, mais l’agencement définitif, réalisé par les maîtres d’œuvre de la ville est certainement une version réduite de son plan originel.

    Il avait imaginé une immense avenue, de largeur constante sur tout son tracé.  Le cours Belsunce et le cours Saint-Louis qui furent construits à sa place apparaissent comme une réinterprétation a minima de cette idée : les bâtiments baroques qui bordent encore aujourd’hui une partie du cours Belsunce et l’angle cours Saint-Louis-Canebière, témoignent de son empreinte.

     

    Une curiosité : la halle Puget

    La halle Puget - héritière de la halle aux poissons devenue trop petite pour la ville en expansion - est conçue en 1666. Quel fut le rôle de Pierre Puget dans cet ouvrage ? L’anecdote est ironique : l’édifice en lui-même a été élevé probablement par le maître maçon Pierre Puget, un parfait homonyme ! On peut penser que l’architecte a participé au projet mais il est impossible de lui attribuer avec certitude la paternité de cette halle aux allures de temple antique… 

     

    La Vieille Charité, un chef-d’œuvre qui traverse les siècles

    Durant tout le XVIIe siècle, la peste ravage l’Europe. Il est décidé en 1639 de rassembler « les pauvres et indigents de Marseille » dans un lieu fermé notamment pour contenir la propagation des épidémies : l’Hôpital de Notre-Dame de la Charité, sur un terrain mis à la disposition de la ville entre la place des Moulins et la cathédrale de la Major. 

    En 1662, un nouvel édit royal de Louis XIV impose dans les villes « l’enfermement des mendiants et vagabonds, mais aussi des aliénés, des filles dépravées, des enfants fugueurs et des femmes que des pères et des maris font enfermer pour correction ».
    Les travaux d’agrandissement du site sont confiés à Pierre Puget, architecte du roi.  Des dons privés financent les longs travaux et l’année 1671 voit la pose de la première pierre.  
    En 1689, le site est érigé en Hôpital Général sur décision de Louis XIV. ​Plus d'infos sur la Vielle Charité.

    Pierre Puget décède en 1694 dans sa bastide dont une partie demeure dans l’actuelle rue Fongate (6e arrondissement). C’est son fils, François Puget qui achèvera son œuvre.

    Il est adoubé par de nombreux auteurs au XVIIe et XIXe siècle qui le surnomment « le Michel-Ange de la France », l’un des représentants de l’esprit classique français du Grand Siècle dans la sculpture et l’architecture, comme le fut Nicolas Poussin pour la peinture.

    Le parcours de cet artiste complet qui apposait derrière certaines de ses œuvres «P. Puget Massil. Sculp. Arch. et Pic. », « Pierre Puget, Marseillais, sculpteur, architecte et peintre », comme pour souligner son attachement à sa ville natale ne peut que susciter l’admiration...

     

    (*) La Fronde (1648-1653) est une période de troubles graves qui frappent le royaume de France alors en pleine guerre avec l’Espagne (1635-1659), pendant la minorité du roi Louis XIV (1643-1651). Cette période de révoltes marque une brutale réaction face à la montée de l’autorité monarchique en France.

    (**) Nicolas Fouquet, marquis de Belle-Île, vicomte de Melun et de Vaux (1615-1680) est un homme d'État français. Procureur général au Parlement de Paris et surintendant des Finances en 1653, il devient l'un des hommes les plus puissants du royaume de France. 
    L'influence grandissante de Jean-Baptiste Colbert marque l'arrêt brutal de l'ascension de Fouquet qui est dénoncé par Colbert pour malversations.
    Destitué et arrêté sur l'ordre de Louis XIV en 1661, il est condamné à la confiscation de ses biens et au bannissement hors du royaume. Sa peine est aggravée par le roi en un emprisonnement à vie en la forteresse de Pignerol, où il mourra.