Antille
André Masson, 1943, huile, sable et tempera sur toile, 128 x 84 cm
Réfugié à Marseille, entre novembre 1940 et mars 1941, André Masson participe aux différentes activités collectives initiées par André Breton dont la réalisation du fameux jeu de Marseille. Quittant la France en mars 1941, il fait escale en Martinique pendant trois semaines, où il rencontre Césaire, puis débarque à New York pour s’installer à New Preston, dans le voisinage de Calder. Il fréquente, outre Breton exilé comme lui, Gorky , Chagall et Georges Duthuit.
Inspiré par la luxuriance des paysages de la Martinique, Antille est l’un des chefs d’œuvre de la « période américaine » de Masson qui synthétise l’exotisme découvert lors de son récent voyage. Suscité par le rêve d’un corps de femme noire, ce tableau est encore marqué par la puissance tellurique des œuvres peintes en 1942. La figure féminine, occupant la majeure partie de l’espace de la toile, entourée de filaments colorés, semble se transformer en efflorescences lumineuses et en évocations hallucinées de formes organiques, dans lesquelles la silhouette se fond , selon un processus de métamorphose qui traverse la totalité de l’œuvre de l’artiste.
Le jeu des reflets est d’un lyrisme absolu, « en ce corps qui est un monde sont suggérées toutes les saveurs, toutes les ardeurs. Il est féminité totale mais aussi fruit -fleur volcan, constellation. Fleuve de lait et pluie de sang » (Masson, 1956, I, p.29). Cette femme « à la démarche baudelairienne » apparaît dans plusieurs œuvres de 1943 (Femme attaquée par des oiseaux, Figure dans le vent), elle est aussi évoquée par Masson dans un texte également intitulé Antille publié à New York dans Hémisphères (repris dans Martinique charmeuse de serpents de Breton et Masson, Sagittaire, Paris, 1948).
«(…) Des noyaux de lumière et d’ombre autour desquels gravitent des demi-teintes » donnent à la forme identifiable une expansion « all over » qui semble faire éclater le cadre de la toile et justifier les comparaisons souvent établies entre le travail de Masson et celui de Pollock dans les années quarante (1)».
(1) : Germain Viatte, L’art moderne à Marseille dans les collections du musée Cantini, 1988. Par ses expositions et ses nombreuses interventions aux États-Unis Masson joua un rôle indiscutable dans l’émergence de la nouvelle génération des « expressionnistes abstraits ».
Le saviez-vous ?
Lors de l’exposition André Masson de Marseille à l’exil américain présentée au musée Cantini en 2016, le public a pu découvrir le dessin préparatoire pour Antille réalisé par André Masson, après sa halte en Martinique, sur le papier journal d’un annuaire. Grâce au don de Diego Masson, cette œuvre a rejoint la collection du musée Cantini.
Acquisition en 1985, Inv. C.85.1
Droits d'auteur : © ADAGP, Paris
© Ville de Marseille, Dist. RMN-Grand Palais / Claude Almodovar / Michel Vialle